Sermon du Père Monnereau sur la fête de la Nativité de Marie

Dans quelques jours, nous célébrerons la naissance de la Vierge Marie. Cette fête de la Nativité de Marie, est l’occasion pour les Catholiques de célébrer celle qui a dit oui, sans conditions, au projet de Dieu.

Les divers temps de l’année et fêtes, avec leurs différents aspects étaient un moyen privilégié pour le Père Monnereau d’évangéliser, de catéchiser et d’éveiller la foi de son peuple. C’était aussi pour lui l’occasion, lors des principales fêtes dédiées à la Sainte Vierge, avec le zèle ardent qu’on lui connaît, de faire aimer, honorer et découvrir les vertus et les grandeurs de Marie.

Laissons-nous toucher par la tendre dévotion du Père Monnereau pour la Sainte Vierge et redécouvrons à travers l’un de ses sermons, la signification et l’importance de la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

            C’est avec beaucoup de raisons que l’Église, adressant aujourd’hui, la parole à la Bienheureuse et immaculée Vierge Marie, lui dit, dans des transports de joie et d’allégresse : votre naissance, ô Vierge Sainte, votre naissance a rempli le monde entier de consolation, parce que Jésus-Christ, le divin Soleil de justice, est né de vous ; lui, qui étant notre Dieu et notre Sauveur, nous a tirés de la malédiction éternelle, pour nous conduire au royaume de la félicité, du bonheur et de la gloire. Et, en effet, qui est-ce qui ne pourrait pas se réjouit, aujourd’hui, au souvenir de la naissance de la glorieuse Reine de la terre et des cieux ?

          

Sermon autographe du Père Monnereau – 1

Ah ! Si l’archange Gabriel assure Zacharie que plusieurs se réjouiraient, à la naissance de son fils, St Jean-Baptiste, qui ne devait être que l’ange, le prophète et le précurseur du Messie, avec combien plus de raisons, les hommes doivent-ils tressaillir d’allégresse, à la naissance de Marie, qui doit être bientôt la Mère de ce même Messie ? Cette fête n’est pas seulement pour une ville, pour une province, pour un peuple, un royaume, une nation, un empire, elles est généralement la fête de tout le monde ; elle est pour les Juifs et les Gentils, elle est pour les Grecs et les Barbares, elle est pour les justes et les pécheurs, elles est pour les vivants et pour les morts, elles est pour tous les siècles qui ont été et qui seront, elle est pour le temps et pour l’éternité.

            Enfin, c’est une fête universelle, parce que le bien qu’elle promet et qu’elle annonce, n’est pas un bien particulier et limité, mais un bien qui s’étend à toutes sortes d’âges, de conditions et de personnes. Le Père éternel y prend intérêt, puisqu’il lui naît une Fille chérie, en qui il met ses complaisances : amica mea et dilecta. Le Fils y prend intérêt, puisqu’il lui naît une Mère qui le revêtira d’un corps mortel, pour être le Sauveur et le Rédempteur des hommes.  L’esprit Saint y prend intérêt, puisqu’il lui naît un temple vivant, qui sera le plus digne sujet des influences et opérations de sa grâce. Les anges et les hommes y prennent intérêt, puisqu’il leur naît une Dame, une Souveraine, une Reine, qui contribuera, avec le ciel, à leur procurer un sauveur, un Rédempteur. Les Pères des Limbes y prennent intérêt, puisqu’il leur naît une Aurore, qui les assure de leur délivrance. Les pauvres âmes du purgatoire y prennent aussi elles intérêt, puisqu’il leur naît une Libératrice. Enfin, tous les siècles passés et à venir y prennent intérêt, puisqu’il leur naît une Souveraine, qui sera, avec son Fils, la source de toute leur félicité et de tout leur bonheur.

            Les princes et les grands de la terre ont toujours célébré, avec grande pompe et solennité, le jour anniversaire de leur naissance, y faisant de grandes largesses aux peuples, avec des jeux et des amusements publics. Mais les plus sages de ces peuples ont condamné cette coutume et en ont publié l’erreur et la vanité. Jérémine et Job, bien loin de bénir le jour de leur naissance, ne lui ont donné, au contraire, que des malédictions, et Salomon préfère le jour où nous mourrons à celui qui nous donne la vie.

            Mais, si ce pieux sentiment est le plus juste et le plus raisonnable, à l’égard du commun des hommes, il ne saurait l’être à l’égard de la naissance de Marie, notre aimable Souveraine. Et en effet, ce qui portait Job et tant d’autres saints personnages à regretter le jour de leur naissance, c’est qu’ils considéraient qu’ils étaient pécheurs, des objets de la haine de Dieu, qu’ils étaient nés misérables, sujets aux châtiments de le vengeance de Dieu, assujettis aux mauvais penchants et aux mauvaises inclinations de la nature. Mais toutes ces raisons n’avaient point lieu au sujet de Marie, elle n’est point née criminelle, ni dans la haine de Dieu, mais dans l’heureux état de la grâce et de l’amitié de Dieu, toute pure, toute sainte, toute belle et parfaite, aux yeux de son Créateur, avec les plus heureux penchants et inclinations à la vertu : tota pulchra es anima mea, tata pulchra es et macula non est in te, et decora nimis.

            Vérité qu’il nous serait facile de prouver par les différentes gradations de vertus, de qualités et de perfections que lui donne le Saint Esprit dans le Cantique des Cantiques : car 1° il l’appelle sa bien-aimée : Surge, levez-vous, lui dit-il, amica mea, speciosa mea columba mea et veni, ô ame la plus chère à mon cœur !

            Marie naît donc pour être la Mère de son Dieu et de son Sauveur, elle naît pour être la Libératrice du monde, par le moyen du Fils divin qu’elle donnera.

Sermon du P. Monnereau n°304

 Thomas Aubin,  Archiviste de la congrégation