Paroles du Père Monnereau : sermon de Carême

Voici en ce temps de Carême l’occasion de redécouvrir un sermon prononcé par le Père Monnereau durant ces quarante jours de conversion intérieure, temps de préparation a la fête de Pâques.

« Il n’est point de moment dans la vie, qui ne soit propre à notre sanctification, et où nous ne puissions travailler avec succès à la grande et intéressante affaire de notre salut éternel. Cependant, nous pouvons le dire avec vérité, il y a des temps et des moments bien plus favorables les uns que les autres, et où les grâces et les moyens de salut sont plus abondants. Ce saint temps de Carême, où nous sommes entrés depuis quelques jours, est un de ces moments les plus heureux et les plus privilégiés, soit à raison de la sainteté des grands mystères dont il nous rappelle les souvenirs les plus propres à faire sur nos cœurs, les impressions les plus salutaires, soit à raison des prières plus ferventes, plus multipliées, des bonnes œuvres plus abondantes que pratiquent les enfants de l’Église, dans ce saint temps : prières, bonnes œuvres les plus propres à toucher le cœur de Dieu, et à faire descendre du ciel, non seulement sur les justes, mais sur les pécheurs mêmes, les bénédictions les plus abondantes.

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Je dis d’abord que le temps où nous sommes est un de ces temps les plus favorables, pour travailler avec succès à la grande et à l’importante affaire de notre salut, à raison de la sainteté des augustes mystères dont il nous rappelle le souvenir. Mais quels sont donc les glorieux mystères que nous rappelle le saint temps de Carême, les plus propres à faire sur nos cœurs, les plus salutaires impressions ? Le saint temps de Carême, nous rappelle premièrement la pénitence et le jeûne rigoureux des quarante jours et des quarante nuits que Jésus-Christ, notre divin Sauveur passa dans le désert sans boire et sans manger, sans prendre aucune nourriture et cela pour expier nos intempérances et nos excès dans l’usage de nos sens intérieurs et extérieurs et principalement en ce qui regarde la sensualité, la mollesse, l’impudicité, les excès dans l’usage des regards et de la parole. Ciel, que de discours inutiles, que de paroles extravagantes et criminelles ; ce qui a fait dire à Saint Jacques que celui qui ne pèche point par la langue est parfait, tandis que la langue, par son usage immodéré, est un monde d’iniquités, un feu qui dévore tout. Jésus-Christ les a expiés ces discours inconsidérés par son silence, par sa parole intérieure avec son Père.

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Le saint temps de Carême, nous rappelle tout ce que Jésus-Christ a fait et souffert pour nous, pour notre salut, pour opérer le grand et ineffable mystère de notre rédemption. Il nous rappelle toutes les humiliations, tous les opprobres, toutes les persécutions, les supplices et les tourments de la passion et de la mort de ce Dieu Sauveur, puisque c’est dans les derniers jours de cette sainte quarantaine qu’il les a endurés pour nous. Ah ! S’il n’est rien de plus agréable à Dieu, comme dit Saint Bonaventure, que la pensée et le souvenir des souffrances de son divin Fils, que serait-ce donc que la méditation continuelle de ces divins mystères ? Le temps de carême est un temps favorable à la sanctification de notre âme, un temps favorable à la réconciliation des pécheurs pénitents.

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Il l’est encore favorable aux justes et aux pécheurs à raison des prières plus ferventes, plus fréquentes et des bonnes œuvres que pratiquent les vrais enfants de l’Église et qui sont des plus propres à toucher le cœur de Dieu envers les pécheurs et cela en considération de la communion des saints : car il en est de l’Église et tous les membres qui la composent, ce qu’il en est d’une communauté ou tous les membres profitent des succès et des gains provenant de l’industrie ou du travail de quelques-uns des membres de cette même communauté. Plus donc il se fait de prières ferventes, plus il se pratique de bonnes œuvres dans l’Église, plus chacun de ses membres s’en trouve bien. Or comme il n’est point de temps dans l’année où il se fasse davantage de prières ferventes et de bonnes œuvres dans l’Église, il s’ensuit qu’il n’est point de temps plus propres aux justes d’avancer dans la vertu et aux pécheurs de rentrer en grâce avec Dieu et de se réconcilier.

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Que les justes raniment donc leur courage et que les pécheurs profitent bien des grands moyens de salut qui leur sont offerts, qu’ils rentrent sincèrement en eux-mêmes et qu’ils se convertissent sincèrement au Seigneur. »

Sermon du P. Monnereau n°683

Thomas Aubin , archiviste de la Congrégation