Disparaître ou résister, une congrégation dans la tempête : l’Union Chrétienne de Fontenay-le-Comte (1901 à 1907) (France)

« L’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations. Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans. […] ». Ainsi commence la loi du 7 juillet 1904, qui est l’aboutissement d’un processus débuté il y a une vingtaine d’années, et scandé par différents textes législatifs qui visent à réduire l’influence et l’importance des Congrégations religieuses en France.

L’arrêt du 10 juillet 1904, sonne le glas de l’Union Chrétienne de Fontenay-le-Comte, uniquement considérée comme congrégation enseignante, elle est dissoute. L’attitude adoptée et la foi en l’espérance d’un avenir, méritent que l’on revienne sur ces quelques années qui auraient pu marquer la disparition de la congrégation de l’Union Chrétienne.

Les lois anti-congréganiste : quatre ans de descente aux enfers (1901-1904)

Depuis le 15 septembre 1872, l’Union Chrétienne est autorisée par décret, comme Congrégation Hospitalière et Enseignante à Supérieure Générale. Déjà, la congrégation avait dû s’adapter aux lois Ferry (1881-1882) et Goblet (1886) de laïcisation de l’enseignement et du personnel, par la création d’écoles privées dites libres. En 1901, le vote de la loi du 1er juillet, sur les associations vise à réglementer l’existence des congrégations, en exigeant une demande d’autorisations pour chacun de leurs établissements. L’Union Chrétienne envoie un dossier au Ministre de l’Instruction publique et des Cultes, pour chacune de ses écoles, sans toutefois recevoir de réponse ou d’autorisation du Ministère. Il faut attendre 1903, pour que les événements se précipitent, les demandes d’autorisations pour les écoles fondées après l’autorisation de 1872 sont refusées : elles doivent fermer. La Supérieure d’alors, Mère Saint Benoit, demande aux sœurs enseignantes de rester sur place et de continuer le travail. Pour avoir désobéi à la loi, les descentes de gendarmerie dans les écoles seront nombreuses et seize sœurs, de quatre établissements vont comparaître devant le tribunal de grande instance. Toutes les Sœurs seront condamnées et Mère Saint Benoît également, pour son acte de désobéissance.

La visite des gendarmes à l’école de Saint-Pierre-du-Chemin (1903)

« Le 25 septembre 1903, à Saint-Pierre-du-Chemin, deux gendarmes de La Châtaigneraie descendent de cheval place de l’église, puis ils pénètrent dans la cour de l’école des filles toute proche. […] La directrice Sœur Marie-Xavier, vite prévenue, se présente et fait entrer au salon les visiteurs […]. L’objet de la visite, sur réquisition du sous-préfet, et la notification d’une lettre du président du Conseil ministre de l’Intérieur et des Cultes, par laquelle celui-ci l’informe du rejet de la demande d’autorisation. […] Imaginons le trouble de Sœur Marie-Xavier quand elle entend cette nouvelle injonction ! Voici ce qu’elle déclare, selon le procès-verbal : « Nous ne sommes pas sécularisées, et nous continuons notre école malgré la notification qui nous a été faite le 25 septembre, car nous avons reçu l’ordre de la Supérieure Générale de notre congrégation de rester, que nous étions autorisées par un décret antérieur à la loi, et que nous nous disperserions lorsque nous serions condamnées en dernier ressort. La communauté se compose de six membres, une septième religieuse s’y trouve actuellement. »

Le 7 juillet 1904, la loi interdisant l’enseignement aux congrégations est promulguée, elle prévoit aussi la dissolution des congrégations exclusivement enseignantes dans l’intervalle de dix ans et la confiscation de leurs biens. L’Union Chrétienne n’existe désormais plus légalement. Dès lors les sœurs sont dans l’attente de la visite du liquidateur et de la fermeture de la Maison mère. Rapidement, on ferme le noviciat et quelques sœurs ayant leur brevet et qui souhaitent rester dans l’enseignement se sécularisent, pour sauver quelques écoles ici ou là. Elles sont relevées temporairement de leurs vœux et doivent quitter le cœur serré, la Maison mère. À peu près toutes les sécularisées devront comparaître devant le tribunal pour y être interrogées et s’assurer qu’elles n’ont plus de liens avec leur ancienne Supérieure, dans le but de reconstituer de nouveau la congrégation.

L’épisode de l’inventaire de la Maison mère

Aux yeux du Gouvernement, l’Union Chrétienne n’existe plus, dissoute par l’arrêté ministériel du 10 juillet 1904. Le liquidateur, nommé le 12 août 1904 par le Tribunal de Fontenay arrive rapidement à la Maison mère pour y faire l’inventaire des biens. Il épluche scrupuleusement les comptes, en présence de la Mère Supérieure, et heureusement il n’y pas d’erreurs dans la tenue des registres. Pour les sœurs restées sur place, Mère Saint Benoît leur donne l’ordre de rester calmes et d’aller et venir dans la maison, sans s’inquiéter de la présence de ces Messieurs qui vont y entrer comme chez eux, pour y faire l’inventaire de tout ce que contiennent les bâtiments de la Maison mère, de la cave au grenier.

L’éventualité d’un inventaire avait déjà été prévue depuis quelque temps, les bons matelas des lits avaient été remplacés par des matelas bourrés de foin, les couvertures étaient très usagées et le mobilier restant très pauvre. Chaque sœur cherchait à dissimuler à sa manière des petits objets qui seraient très utiles après l’expulsion des dernières habitantes du couvent.

Sœur Saint Pierre et le paquet dans le clocher

« Une jeune Sœur, Sr St Pierre, n’avait-elle pas eu l’idée de monter un paquet dans le clocher en se servant de l’échelle portative. Malheureusement, elle ne connaissait pas la capacité du clocher. Le paquet quoique petit, avait peu de place. Elle l’attacha comme elle put à une persienne et ne s’aperçut pas qu’un coin de la serviette passait par les trous et formait un drapeau blanc battant au vent. On se demandait avec inquiétude ce qu’il allait en advenir !… La pauvre sœur était bien ennuyée quand, à la descente de son promontoire elle vit sa maladresse. Les inquisiteurs arrivaient, notre Mère Supérieure les accompagnait avec notre avoué. Celui-ci se retira et fit un signe de la tête à notre Supérieure en montrant le drapeau. Il n’en arriva rien de désastreux, car aucun autre regard ne s’éleva vers le ciel, pour la circonstance, ces Messieurs se contentèrent de regarder à leurs pieds pour ne pas faire de faux pas dans les escaliers. »

L’inventaire de la Maison mère dura trois longues semaines, les inspecteurs allaient et venaient dans chaque recoin de la maison pour prendre note de ce qui s’y trouvait. La Maison mère étant un vrai labyrinthe avec ses escaliers, ses couloirs partant dans différentes directions, ils cherchaient à s’orienter, se trompaient de chemin, retournaient sur leurs pas. Ils passèrent trois fois devant une chambre sans y entrer, croyant l’avoir déjà visitée. Surveillé discrètement par les sœurs de la maison, à la barbe des inspecteurs, elles transportaient vite les objets d’une chambre qui allaient être visitée vers une autre. Dans les greniers et caves, les inspecteurs élégamment vêtus ne s’arrêtèrent pas trop, les caves n’étant pas éclairées et encombrées d’objets poussiéreux et couverts de toiles d’araignées. Le poulailler et le clapier ne furent pas oubliés, et pour tuer un lapin ou une poule, il fallait demander l’autorisation au liquidateur. Pourtant, dans l’attente et l’angoisse, les sœurs ne perdent pas confiance et espoir en la Providence.

1907 : l’espérance triomphante, la renaissance comme congrégation hospitalière

Dans l’ombre, Mère Saint Benoît travaille à la renaissance de la congrégation, il faut prouver que l’Union Chrétienne est aussi hospitalière, car, après tout dans plusieurs des fondations, les sœurs soignaient les malades à domicile et le dispensaire de la Maison mère était lui très fréquenté par les pauvres. Très vite, un avocat Me de Lacoste trouve la cause juste et s’engage à la défendre, d’abord, par la constitution d’un dossier de certificats des personnes soignées par les sœurs dans le passé et dûment signés par les médecins. Il plaide au Tribunal de Fontenay, qui malgré le dossier, confirme l’arrêt du 10 juillet 1904, pour la fermeture de l’établissement.

Pendant ce temps, chaque Sœur de la Maison mère fait à tour de rôle une demi-heure d’adoration et de supplication devant le St Sacrement, pour faire violence au Ciel. Le 22 mai 1905, une lueur d’espoir apparaît, la Cour d’Appel de Poitiers reconnaît comme établissement hospitalier la Congrégation de l’Union Chrétienne, c’est une explosion de joie et de reconnaissance envers la Providence. Mais la joie est de courte durée, puisque le Procureur de la République, ne voulant pas rester sur un échec fait appel du jugement en cassation.

Il faut alors recommencer, reconstituer un nouveau dossier, l’expédier à Me de Ramel, l’avocat des causes religieuses à Paris. Pendant ce temps, prières, adorations, sacrifices, pénitences et supplications au Cœur de Jésus se font plus insistantes que jamais. Au-dehors, les soins dévoués aux malades continuent, les sœurs sont dans l’attente angoissée d’être expulsée à tout moment, comme elles peuvent l’entendre pendant la lecture du soir au réfectoire, où la sœur égrène les couvents dans lesquels les religieux ont été expulsés. Enfin, le 22 mai 1907, arrive de Paris un télégramme de Me de Ramel annonçant que la Congrégation de l’Union Chrétienne de Fontenay-le-Comte est désormais reconnue comme hospitalière par un arrêt de la Cour de cassation. Rapidement, les cloches sonnent à toutes volées et un Te Deum triomphal retentit sous les voûtes de la chapelle.

L’Union Chrétienne a fait face à la tempête anti congréganiste, grâce à une étonnante faculté d’adaptation, en réorientant ses missions apostoliques vers les soins, avec le service des garde-malades et l’ouverture d’une clinique. Les nouvelles bases de la congrégation sont jetées.

Thomas Aubin, archiviste de la congrégation

Les origines d’une Congrégation (1652-1790), les Sœurs du Sacré-Cœur de Coutances (France)

Avant de s’installer durablement à Coutances, en 1840, la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus* a d’abord pris naissance à Périers (Manche), dans la petite école de filles, créée en 1652 par Jeanne Langlois (1625-1707). Cet article se propose de revenir sur la naissance de cette Congrégation, une des « premières-nées du Sacré-Cœur », à travers les quelques documents les plus anciens, conservés aux archives, et témoins des origines.

Les humbles commencements, la fondation de l’école de Périers

Au milieu du XVIIème siècle, le diocèse de Coutances reste profondément marqué et dévasté par les guerres de Religion, la quasi majorité des écoles a disparu et l’ignorance règne en maître. Terre de mission s’il en est, la reconquête doit se faire par l’éducation chrétienne et la création de nouvelles écoles. C’est dans ce sillage, que Jeanne Langlois, originaire de Sainteny, crée en 1652 à Périers, une école pour l’instruction des petites filles pauvres. Les débuts sont modestes, l’école s’installe dans une boulangerie et rapidement vient l’aider une fille du bourg de Périers, Barbe Lair. L’instruction des petites filles du village suit le programme de l’autorité ecclésiastique, avec des cours de lecture, grammaire, calcul, et enseignement religieux qui est le but essentiel de l’école. Les deux institutrices créent aussi un atelier de travaux manuels, afin de permettre aux petites filles pauvres de la campagne de gagner honnêtement leur vie. En 1661, par la mise en commun de ce qu’elle possédait, est permise la création d’une petite épicerie capable de financer, d’assurer la pérennité et la gratuité de l’école. Prémices de la communauté naissante, cet acte de 1661 précise que « tout profit ne peut être personnel, mais à l’usage du bien commun ». Et, en 1672, la renommée de cette petite école grandissante, une troisième institutrice, Barbe Rault, vient les aider.

L’influence des Eudistes sur la communauté naissante

Pour que l’école puisse perdurer et prospérer, une aide financière devient nécessaire. Les trois institutrices doivent la poursuite de leur œuvre au Père du Pont (1618-1685), membre de la Société de Jésus et de Marie (Eudistes) et Supérieur du Séminaire, qui leur apporte cette aide par un don généreux, en achetant une maison et un jardin pour l’école, ajoutant à cela une petite somme d’argent, puisque ne disposant pas de lettre patente, les institutrices ne peuvent recevoir d’aide pour l’école « gratuite pour les enfants pauvres ». Le 14 novembre 1674, l’évêque de Coutances, Charles-François de Loménie de Brienne (1637-1720), « approuve et confirme » la fondation, et encourage les trois institutrices « à se bien acquitter de leur emploi, étant le plus grand qu’on puisse avoir pour le salut des âmes ». Afin de permettre le développement de leur œuvre, le Père du Pont confie à son assistant, le Père Thomas Moisson (1633-1699), de rédiger une règle commune de vie pour les pieuses institutrices, prémices de la communauté naissante. Le lever y est « fixé à 5 h heures pour les institutrices, elles doivent assister chaque jour avec les enfants de l’école à la messe ». Cette règle est décrite comme claustrale, « les institutrices ne doivent sortir que par nécessité et rentrer le plus tôt possible. Avant le dîner et le souper, elles réciteront les litanies en usage dans la congrégation de Jésus et Marie, et notamment le samedi midi, les litanies du Cœur de Jésus, et le samedi soir, celles du Cœur de Marie ». Un costume leur est donné, il s’agit « d’une petite robe noire, une ceinture de laine et une coiffe de camelot ». Ce règlement, conçu pour les trois maîtresses d’école, donne des orientations pour « la vie chrétienne, la pratique des vertus », imprégné de l’esprit de Saint Jean Eudes (1601-1680), son auteur y donne quelques préconisations pour développer « les vertus d’humilité, de charité, et de dévotion aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie ». Si leur vie ne diffère qu’en peu de choses de celles des religieuses dévouées à l’enseignement, les trois maîtresses n’en sont pas, elles sont des associées, ayant pour nom Filles de l’Instruction chrétienne.

Seconde naissance, un institut religieux sous le vocable du Sacré-Cœur

Le début du XVIIIème siècle est marqué par plusieurs événements, prémices à la création d’un institut religieux. D’abord en 1695, avec la nomination de Jeanne Langlois comme Supérieure des associées, ce qui n’est pas sans déclencher quelques conflits entre elles, et provoque le départ de Barbe Lair. En 1707, âgée de 88 ans, Jeanne Langlois, la fondatrice, décède. Si l’on parle toujours à ce moment-là des Filles de l’Instruction chrétienne, la communauté s’accroît rapidement, avec la création d’un pensionnat, la construction d’une chapelle et prend de plus en plus la physionomie d’un couvent. C’est en 1783, sous l’impulsion de Monseigneur de Talaru (1727-1798), que la communauté prend véritablement l’apparence d’un institut religieux. L’évêque de Coutances d’alors, désire ardemment avoir dans son diocèse une Congrégation de Sœurs en charge de l’instruction des filles et du soin des malades. C’est la communauté de Périers qui retient son attention et qu’il destine à ces missions pour le diocèse. La religion avait inspiré la communauté depuis les débuts, c’est donc naturellement qu’elle accompagne son développement sous le nom de Société des Filles du Sacré-Cœur de la Providence. Un nom suggéré par l’influence Eudiste et la dévotion spéciale que la communauté a toujours eue pour le Sacré-Cœur, et exacerbé avec l’adaptation du règlement primitif faite par le Père François Lefranc (1739-1792), qui y introduit des termes typiquement Eudistes, tels que « former Jésus-Christ dans les Cœurs » ou bien « un grand détachement pour ne penser qu’aux moyens de faire régner Jésus-Christ dans les cœurs ». Une ère de prospérité s’ouvre pour la petite congrégation naissante, les religieuses augmentent rapidement, les sœurs du Sacré-Cœur essaiment dans le diocèse à Sainteny, Saint Sauveur le Vicomte, Granville, Landelles…

La Révolution française vient stopper ce développement. En 1790, le parloir du couvent de Périers est occupé par les officiers municipaux. L’année suivante, les sœurs sont dans l’obligation de prêter serment à la Constitution civile du clergé, « elles s’y refusèrent, préférant à leur sécurité l’intégralité de leur foi ». Elles seront chassées et leurs biens confisqués. Durablement marquée par ces épisodes, la congrégation ne se relèvera seulement qu’après deux décennies de tourmente, en 1824. D’abord à Périers, berceau de la fondation, puis à Marigny, et enfin Coutances, pour se multiplier ensuite dans le diocèse.

* Les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie ont accueilli en 1996, par voie de fusion la Congrégation du Sacré-Coeur de Coutances. 

Thomas Aubin, archiviste de la congrégation

Des Sœurs des Sacrés-Cœurs en Algérie, trente ans de présence au Grand Séminaire d’Oran (France)

Quelques décennies avant de s’implanter plus durablement sur le continent africain dans la seconde moitié du XXème siècle, les Sœurs de Mormaison ont assuré une présence discrète, mais indispensable au Séminaire d’Oran, en Algérie durant un peu plus de trente années (1926-1957).

Des Filles du Bon Père Monnereau pour la tenue matérielle du Séminaire

C’est à Monseigneur Durand (1878-1945) Évêque d’Oran, qui avait entendu parler des Filles du Bon Père Monnereau, que l’on doit l’envoi de quelques sœurs pour l’Algérie. Pour convaincre la Supérieure de l’époque, il viendra durant trois années de suite à Mormaison lui demander de lui donner des sœurs pour le Grand Séminaire. Plusieurs raisons furent mises sur la table, d’abord, l’extrême besoin pour le Grand Séminaire d’avoir des personnes d’ordre et de piété, et puis l’intérêt de la Congrégation d’avoir une maison en Oranie, où elle pourrait envoyer se reposer et se guérir les jeunes Sœurs fatiguées de la poitrine.

Prudente, Mère Joseph de Nazareth (1869-1955) avec son conseil, décide tout de même la fondation du 216ème établissement de la Congrégation. Précisant bien que « cette fondation à Oran est un essai sans engagement définitif d’installation ». Le dimanche des rameaux, 28 mars 1926, les trois premières sœurs destinées pour cette nouvelle fondation partent, il s’agit de Sr Anne de Montfort (Esther Baudry) Supérieure de la fondation, de Sœur Saint Sébastien (Césarine Migné) et de Sœur Marie Saint Roch (Clémentine Orieux).

Le Séminaire d’Oran avant l’arrivée des sœurs est dans une pénible situation. Il accueille les grands et les petits séminaristes, qui sont peu nombreux et dont certaines vocations sont chancelantes. Pour ce qui est de la cuisine et de la tenue matérielle générale du séminaire, elle laisse à désirer. À leur arrivée, les trois sœurs doivent s’atteler à la tâche et ne pas ménager leur peine. Rapidement, seront reconnus leur dévouement, la qualité de leur travail pour les soins matériels d’alimentation, de la lingerie et un peu plus tard pour la tenue de l’économat du Séminaire. L’évêque d’Oran viendra même en personne à Mormaison, afin de remercier la Supérieure pour le travail réalisé au service des séminaristes et demander du renfort.

Récit d’un voyage, pour le jubilé d’argent des Sœurs des Sacrés-Cœurs : 25 ans de présence

Après le décès de Mgr Durand, en 1945, la Supérieure songe à rappeler les Sœurs du Séminaire. Mais c’est sans compter sur l’insistance du nouvel Évêque, Monseigneur Lacaste (1897-1994) qui ne voulait pas perdre l’aide précieuse des sœurs de Mormaison pour le Séminaire. Il dira même « J’attache une grande importance, au fait d’avoir à Oran des Religieuses de Mormaison. Les petits et les grands séminaristes ont besoin de voir des âmes qui prient et qui vivent dans la joie au service de Notre Seigneur ».

En 1951, cela fait vingt-cinq ans que les sœurs assurent la tenue matérielle du Séminaire, à cette occasion, une grande fête est organisée. La Supérieure Générale, Mère Ange du Sacré-Cœur (1878-1967) accompagnée de Sœur Louise du Sauveur traversent toutes deux la Méditerranée pour aller visiter les Sœurs d’Oran. Après avoir quitté la Vendée le 28 avril, elles arrivent le lendemain à Port-Vendres où « le grand paquebot l’El-Mansour nous attend pour nous transporter vers l’Afrique, 1000 km de traversée nous attendent ». Le lundi 30 avril, bouchons sur le pont du navire, « car déjà au loin, se dessine la crête des monts africains, nous approchons d’Oran, nous apercevons les monts, les villas semées sur les pentes, et surtout le sanctuaire de la Vierge de Santa-Crux, puis la ville bien assise sur le plateau, avec ses toits plats et ses palmiers ». Sur le port, une foule frémissante attend le paquebot, et quelques minutes après avoir mis pied à terre, les sœurs sont au Séminaire.

Le 2 mai, grande liesse au Séminaire, la joie fuse de partout, on fête les 25 ans de présence des Sœurs des Sacrés-Cœurs au Séminaire d’Oran. D’abord le matin avec la messe célébrée par Mgr Lacaste, puis le soir à la salle des fêtes ou tout le Séminaire est là, « nous sommes accueillies par une salve d’applaudissements, puis les chants continuent […] Mgr Lacaste tire les conclusions. Il fait ressortir en termes choisis les qualités de chacune de nos sœurs, celles des deux jubilaires surtout, leur travail silencieux, leur effacement en particulier, leur exemple permanent, la puissance du réseau de prières dont elles enveloppent professeurs et élèves ».

En 1957, après plus de trente ans de présence, la Congrégation décide le retrait des Religieuses du Séminaire d’Oran. Durant ces quelques années, les Sœurs de Mormaison auront contribué à faire grandir par « un humble et obscur labeur […] la vocation de nombreux prêtres, qui resteront longtemps imprégnés de l’esprit de ces religieuses, qu’ils ont vu prier et mettre dans leur prière, dans l’intimité de Notre Seigneur, toute la joie de leur vie ».

Thomas Aubin, archiviste de la congrégation